Only God Forgives


Deux ans après Drive, le réalisateur Nicolas Winding Refn et l'acteur Ryan Gosling refont équipe pour Only God Forgives, vendu comme un polar sous fond d'histoire de vengeance, mais apparaissant au final comme un tout autre film.
Avant de plonger dans le film, mettons les choses au point : si, pour vous, les retrouvailles Refn/Gosling étaient synonymes d'un "Drive 2", je préfère vous prévenir de suite que vous allez être bien déçus. Je ne connais pas toute la filmographie de Nicolas Winding Refn mais après la vision d'Only God Forgives, il apparaît évident que Drive n'était qu'une pause récréative dans son parcours. Plus noir, plus violent, et plus esthétisant, son nouveau film vous divisera (ce qu'il a fait à Cannes) mais ne vous laissera, à coup sûr, pas indifférent.


Avec Only God Forgives, Nicolas Winding Refn revient à un cinéma plus proche de son travail sur Valhalla Rising. Loin des couleurs chatoyantes de Los Angeles dans Drive, le réalisateur nous emmène dans les quartiers les plus sombres de Bangkok, sublimé par la photographie rouge sang de Larry Smith.

Cette mise en scène des plus cauchemardesques est clairement l'intérêt principal du film puisque l'histoire de vengeance se voit rapidement reléguée au second plan dès lors que l'on comprend la véritable ambition du réalisateur. Si vous comptez regarder Only God Forgives d'un œil rationnel en y cherchant le moindre sens dans cette histoire de vengeance alors vous serez clairement déstabilisés et en ressortirez déçus. Mieux vaut vous faire à l'idée que vous êtes face à ce genre de film où l'expérience visuelle compte plus que le scénario en lui-même. En effet, le film est parcouru d'influences Kubrickiennes. Que ce soit dans ces long travellings ou dans la musique entêtante de Cliff Martinez, vous ne pourrez pas passer à côté de ce phénomène d'hypnose filmique qui fut si cher aux films de Kubrick. Il m'est difficile de vous expliquer quelque chose qui n'est autre qu'un ressenti lors du visionnage mais il est fascinant de voir jusqu'à quel point la mise en scène peut transcender un sujet dit "basique" pour finalement traiter de thèmes plutôt inattendus.


Si vous vous laissez happer par le magnétisme du film alors vous serez surpris de découvrir qu'au-delà d'une simple histoire de vengeance, le scénario met en exergue les tumultes d'une relation mère-fils. Je n'en dirais pas plus mais il n'est pas anormal de qualifier Only God Forgives plus comme un polar œdipien qu'un polar vengeur. Les enjeux s'en retrouvent alors totalement chamboulés et modifient notre vision des personnages ainsi que des rôles qu'ils tiennent.

Bien que le scénario soit avare en dialogues, cela n'empêche pas les acteurs d'exprimer tout leur talent et de donner corps à cette aventure sensorielle. Kristin Scott Thomas surprend en mère castratrice et Ryan Gosling, qui parle encore moins que dans Drive, brille encore une fois dans sa capacité à faire passer une tonne d'émotions sans parler.

En sortant d'Only God Forgives, il est fort probable que vous soyez perturbé et que vous en perdiez vos repères. Normal quand un film vous propose d'assister à un pur trip audiovisuel et qu'il décide de faire voler vos croyances en éclats. Certains en feront un rejet total, tandis que d'autres y verront probablement une grande leçon de cinéma. Je fais partie de cette deuxième catégorie et j'apprécie cette sensation de gêne face à un film dit "dérangeant". J'ai été bousculé, j'ai donc assisté à un moment de cinéma atypique et, pour ne pas dire, transcendant. Vous allez être divisés par le goût que va vous laisser ce film et vous allez à la fois adorer et détester ce sentiment. Pour ma part, je ne saurais être plus clair : Only God Forgives est un film magistral. C'est un film que je reverrais encore et encore durant de longues nuits afin d'en savourer toute l'expérience.



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